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La première conversation IpevLive qui a eu lieu le 18 mai a réuni Sari Hanafi (Université américaine de Beyrouth), Andrew Lebovich (European Council on Foreign Relations)) et Mohamed-Ali Adraoui (London School of Economics). Ils ont partagé leurs points de vue sur l’émergence de la radicalisation au sein de l’Islam contemporain qui complique encore plus les efforts pour réduire et éliminer la violence dans la région MENA.

Que faut-il faire pour mieux comprendre le salafisme et la radicalisation ? Quel type de recherche devrait être mené dans cette partie du monde ? Les mouvements violents prendront-ils fin ? Ce sont quelques-unes des questions soulevées lors de cette discussion.

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Résumé

  • La nécessité d’abandonner la construction bons musulmans / mauvais musulmans

Les trois chercheurs se sont accordés sur l’importance d’abandonner la rhétorique d bons / mauvais musulmans afin de mieux comprendre les sociétés musulmanes. La recherche ainsi que les gouvernements doivent cesser de considérer les mouvements musulmans comme une seule et même chose. Les mouvements islamiques, qui prennent de plus en plus d’importance dans ces sociétés, sont fragmentés et il existe, selon Mohamed-Ali Adraoui, une déconnexion croissante entre le salafisme et le djihadisme. 

  • À l’écoute des communautés musulmanes

Cette partie du monde est souvent désignée comme la région MENA. Selon Mohamed-Ali Adraoui, « il n’existe pas de région MENA ». Il a souligné l’importance d’abandonner l’idée d’une recherche orientée et de fournir une recherche empirique basée sur des données vérifiables afin de mieux comprendre ces sociétés. Par ailleurs, Sari Hanafi et Andrew Lebovich ont fait valoir qu’il était important d’écouter plus attentivement les personnes dans les sociétés musulmanes, et pas seulement les acteurs religieux, et ont fait l’éloge de la recherche qualitative afin de comprendre réellement la place de la religion, ou non, dans ces sociétés et sur la nécessité de prendre ces sociétés dans leur propre contexte afin de créer un espace de discussion. D’autre part, Sari Hanafi a appelé à une compréhension pluraliste des idées démocratiques libérales et à la nécessité d’arrêter de regarder ces sociétés à travers le prisme de la « laïcité dure ». 

  • Abandonner les images mentales créées par certains décideurs politiques

« La réalité est différente des images mentales utilisées pour élaborer des politiques », a déclaré Mohamed-Ali Adraoui. Être sur le terrain et écouter les voix musulmanes est le meilleur moyen de se débarrasser de ces images mentales qui peuvent être fausses et de proposer des faits réels. Les musulmans ont des doléances qui doivent être entendues. Par ailleurs, Sari Hanafi a souligné l’importance de changer la façon dont nous abordons les phénomènes religieux et a expliqué comment une « laïcité dure » peut devenir une « religion raciste » et que l’accent devrait être mis sur la façon dont la formation des élites exerce la violence et exclut les autres acteurs.

  • Peut-on espérer sortir de la violence ?

« Nous devons chercher des partenaires et acquérir une compréhension multiculturelle de cette région », a souligné Andrew Lebovich, qui a insisté sur la nécessité de laisser les gens créer leur propre société. Mohamed-Ali Adraoui a souligné que, historiquement, tous les mouvements violents ont pris fin ou se sont transformés en autre chose. 

Crédit photo : The Arab Spring uprisings. Photo : Mosa’ab Elshamy (CC BY-NC-SA 2.0)