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Lotte Buch Segal, membre du groupe de travail Se reconstruire, intervient dans le séminaire Violence et sortie de la violence organisé par la Fondation Maison des sciences de l’homme.

Au cœur du processus thérapeutique réside l’idée d’une guérison plus ou moins lente ou l’attente, au moins, d’une amélioration mesurable. Que se passe-t-il cependant si les traitements, même durables, ne parviennent pas à améliorer la vie ou la santé des patients ? De ce point de vue, les douleurs chroniques, les maladies longues ou incurables comptent parmi les défis auxquels est confrontée la médecine conventionnelle. Pourtant, parmi les professionnels de santé ayant travaillé avec des victimes de torture ou de violence politique, il est tacitement admis que, si une amélioration est possible à travers des traitements hautement spécialisés et fondés sur des éléments de preuves comme le PTSD (Posttraumatic Stress Disorder), la torture pose un problème particulier pour ceux qui travaillent à améliorer la santé globale et le bien-être des personnes touchées.

Basé sur une enquête de terrain menée dans une clinique de réadaptation pour les survivants de torture au Danemark, cette présentation soutient que certaines formes de souffrance posent un défi spécifique à la dynamique temporelle de la guérison. Cette présentation aborde les difficultés à traiter des séquelles durables de la torture comme un problème renvoyant à un registre éthique et une question de temporalité. C’est en croisant ces deux dimensions qu’il est possible de dégager une piste pour comprendre les difficultés à offrir un réconfort à la douleur qui découle de la torture. En s’appuyant sur l’hypothèse de Toby Kelly selon laquelle le manque de reconnaissance de la torture ne réside pas dans l’incapacité des victimes à parler mais de notre volonté de les écouter, les difficultés rencontrées pour traiter des séquelles à long-terme des tortures nous informent directement sur les possibilités de reconstruction d’une vie décente que les pays d’accueil sont en mesure d’offrir aux réfugiés ayant subis la torture dans leur pays d’origine ou au cours de leur périple vers l’Europe.

Intervenante

Lotte Buch Segal, membre du groupe de travail Se reconstruire : leçons comparatives est professeure assistante au département d’anthropologie de l’Université de Copenhague. Ses recherches portent sur les questions de la résistance, de la violence et de la subjectivité au sein des familles arabes touchées par les conflits, tant celles qui vivent dans le monde arabe que celles réfugiées en Europe.Dans ce cadre, elle a notamment travaillé sur la Palestine et, plus spécifiquement, sur les familles des prisonniers palestiniens et de ceux que certains désignent comme des « martyrs ». Son premier ouvrage No Place for Grief-Martyrs, Prisoners and Mourning in Contemporary Palestine est paru en 2016. Une autre partie de ses recherches porte sur la dimension genrée de l’expérience de la torture. Elle rédige actuellement les conclusions d’un projet collectif intitulé  « Slippery Suffering: A comparative ethnographic study on the encounters between survivors of violence from the MENA region and the Scandinavian welfare states ». Ce projet repose sur l’idée que les réfugiés vivent différemment avec leurs expériences de guerre, de violence et de torture passées en fonction des différentes manières dont ils sont accueillis et reconnus en Scandinavie. La séance du séminaire s’appuiera sur les perspectives ouvertes par cette dernière enquête.

Détails

Séminaire
Jeudi 17 mai 2018
17h30-19h30

Salle A3-35
FMSH | 54, bd Raspail Paris 6