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Le Resolve Forum 2017 « Confronting the Next Wave of Violent Extremism » (Faire face à la Nouvelle Vague d’Extrémisme Violent) a eu lieu à Washington à l’United States Institute of Peace et a réuni des experts et des chercheurs spécialistes de l’extrémisme violent sévissant en Asie, en Afrique, au Moyen Orient et en Europe.

IPEV a participé à l’événement dans le cadre de la table ronde « Entering and Exiting Violence » (Entrer et Sortir de la Violence). Marc Sageman, membre du groupe de travail « Entre salafisme, sectarisme et violence : les nouveaux visages de la radicalité », et Dale F. Eickelman, membre du Comité International d’Évaluation, ont donc pu échanger avec John Horgan, Professeur au Global Studies Institute, sur ces sujets. Les différents points de vue et perspectives (anthropologique, sociologique, psychologique) ont donné lieu à un riche débat sur la sortie de la violence.

Courtesy of the United States Institute of Peace

La discussion a débuté par une introduction d’Ivo Veenkamp, directeur exécutif adjoint de Hedayah et modérateur du panel, qui a souligné l’importance de réfléchir à l’après Daech. Ivo Veenkamp a soulevé une série d’interrogations : qu’en est-il d’une paix future en Syrie et en Irak ? L’État Islamique peut-il se développer dans d’autres parties du monde ? Quelles sont les raisons qui poussent des individus à rejoindre cette organisation ? Comment traiter la question des personnes parties en Syrie et qui reviennent en Europe ? Ivo Veenkamp a souligné l’importance de comprendre le développement du processus de radicalisation, .

Courtesy of the United States Institute of Peace. Dr Dale F. Eickelman at the Resolve Forum 2017 “Confronting the Next Wave of Violent Extremism”, panel discussion “Entering and Exiting Violence”.

Dale F. Eickelman a commencé par souligner le fait que, même si les différentes disciplines s’accordent sur un grand nombres de savoirs sur le sujet, il existe un fossé entre la recherche et les personnes travaillant dans le renseignement. Il a également suggéré la nécessité de prendre en compte les communautés et de les encourager à coopérer et à communiquer avec les autorités, en leur donnant les moyens de d’œuvrer pour leurs intérêts.

Mr Eickelman a également recommandé d’étudier les variations dans le discours et les méthodes propagandistes du groupe terroriste.

Pour John Horgan, nous avons pu développer des certitudes sur plusieurs éléments concernant l’extrémisme. D’abord, les recherches ont montré qu’il n’existe aucun profil type pouvant définir un terroriste. Au contraire, la diversité est une des caractéristiques des personnes qui deviennent terroristes. Ensuite, les raisons à l’origine d’un tel engagement sont maintenant bien connues; le chercheur énumère à titre d’exemple des griefs, une indignation morale et le besoin de passer à l’action.

L’idéologie est aussi une donnée importante, mais elle est d’importance inégale selon les individus. Selon John Horgan, la recherche n’appréhende pas encore tout à fait le rôle qui est joué par l’idéologie dans le processus de radicalisation, ce qui pousse souvent à sous-estimer le rôle de ce qu’il appelle les « petits facteurs » ou « petites influences », comme la camaraderie, l’aventure, et l’enthousiasme qui stimule l’imaginaire individuel. Le défi réside dans la compréhension des variations de ces facteurs au cours du temps. Il faudrait pourtant, selon le chercheur, en maîtriser la valeur prédictive. Or « la science est encore loin de comprendre ce qui pousse ces individus vers ces groupes en premier lieu », prévient Horgan.

En conclusion, John Horgan suggère de réfléchir à une utilisation de la désillusion dans les récits de certains individus revenus de Syrie afin de pousser au désengagement et de prévenir d’autres départs.

Courtesy of the United States Institute of Peace

Marc Sageman a débuté son intervention en signalant que le problème n’était pas tant un manque de réflexion autour de ce que nous savons ou non sur l’extrémisme, que l’absence de cadre conceptuel dans lequel il serait possible de comprendre ce que nous savons. Par exemple, l’emploi de termes tels que « l’extrémisme violent » ou encore « radicalisation », qui peuvent avoir plusieurs sens, nous empêche de bien appréhender le sujet, ce qui mène à une certaine stagnation de la recherche. De plus, étant donné que cette recherche est souvent financée par l’État, les études se réduisent souvent à une propagande antiterroriste pseudo scientifique.

Il a ensuite défini un modèle universel menant à la violence politique basé sur la théorie de l’auto-catégorisation et les heuristiques cognitives. La première étape est l’acquisition d’une identité politico-sociale due à des griefs. Les personnes partageant cette identité forme une communauté imaginée, qui est toujours non-violente. Cependant, elle peut devenir violente à trois conditions : la montée du conflit entre l’État et la communauté stigmatisée, la désillusion des individus de la communauté dans l’impossibilité de gérer le conflit par des moyens légaux, et l’indignation morale face à une agression étatique flagrante contre cette communauté. Dans ces circonstances, quelques membres de la communauté imaginée se portent volontaires pour devenir des « soldats » protégeant leur communauté. Les soldats utilisent la violence parce que c’est ce qui les caractérise dans leur essence et leurs actions. Par conséquent, comme n’importe quel individu peut se porter volontaire pour défendre sa communauté, il n’existe pas de profil objectif pour les terroristes, mais plutôt subjectif. Ce profil subjectif serait d’être un soldat défendant la communauté. Malheureusement, il est très difficile de détecter un profil subjectif.

Pour sortir de la violence, il faut, selon Sageman, faire la différence entre les individus violents et le reste de la communauté ayant acquis une identité politico-sociale, qui elle, est toujours non-violente. Or La persécution constante de l’État envers cette communauté encourage d’autres individus à utiliser la violence. Par conséquent, la meilleure façon de mettre fin à la violence est d’isoler les individus violents du reste de la communauté, d’encourager la communauté – non-violente – à se désolidariser de la violence et la condamner les membres qui en font usage, et d’intégrer cette communauté dans la société en construisant une identité sociétale dans son ensemble, partagée par tous. Malheureusement, la plupart des gouvernements occidentaux font pour le moment tout le contraire de ce qu’il faudrait faire pour mettre fin à la violence.

La vidéo de l’événement est disponible sur le site de l’USIP.